Le burn-out résulte-t-il de l'absence de connaissance de soi ?
“Je suis à la limite du burn-out !”. Qui n’a pas entendu ou prononcé cette phrase, dont la résonance est encore plus forte en période de pandémie. Devenue une expression galvaudée, elle est souvent lancée lors d’une période de stress intense liée au travail. Pourtant, elle est lourde de sens. Le burn-out, le vrai, est un syndrome d’épuisement professionnel, qui selon l’OMS, s’installe de manière progressive. Mais pourquoi face à une même situation professionnelle, certaines personnes sombrent et d'autres non ? En sus des conditions extérieures, quel rôle joue le manque de connaissance de soi ?
Une bonne définition du burn-out peut se trouver dans la compilation de travaux scientifiques suisses, français et scandinaves : c’est un “épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d'un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel”. Les conséquences en sont la perte d’appétit et de sommeil, mais aussi et surtout, la perte de sa capacité de concentration et de réflexion.
La grande question est alors la suivante : comment ce phénomène s’installe-t-il ?
Le burn-out résulte bien sûr d’une pression extérieure. Parfois d’un moment de fragilité personnelle. Mais aussi d’un manque d’écoute de soi, et plus encore de connaissance de soi. Car s’écouter ne suffit pas. Si l’on s’écoute sans avoir confiance en sa valeur, il nous est impossible d’entendre et de mettre en place ce qui est nécessaire pour garantir notre équilibre.
Le burn-out : qu’est-ce que c’est ?
Le burn-out se « construit » selon trois phases.
La première phase passe par l’épuisement émotionnel résultant du sentiment d’être à la fois submergé par les exigences de son travail, et vidé de ses ressources. La personne touchée n’a plus le sentiment de produire la qualité de travail qu’elle atteignait auparavant, elle ressent de la frustration. Apparaissent alors des symptômes du burn-out tels que l’anxiété, le stress, la fatigue physique, l'insomnie, etc. C’est par l’épuisement émotionnel que s’enclenche le processus de burn-out.
Vient ensuite la deuxième phase, qui se traduit par du cynisme ou de la dépersonnalisation. Elle renvoie au développement d’attitudes détachées et critiques envers son travail, ses collègues ou sa hiérarchie.
Enfin, la troisième phase voit émerger une forte diminution de l’estime de soi. La personne en burn-out s'évalue négativement et ne se reconnaît plus la capacité à faire avancer les choses. Cette dimension est la conséquence des deux premières. Étant épuisée émotionnellement, n’ayant plus le même goût pour son travail, son sentiment d’accomplissement personnel est logiquement au plus bas. Les conditions du burn-out sont réunies.
Si ces phases décrivent bien ce que toute personne atteinte de burn-out va vivre, elles ne disent pour autant rien des causes intrinsèques de cet enchaînement de ressentis.
Le modèle de Karasek ou l’origine du burn-out
En étudiant les trois phases du burn-out évoquées plus haut, Robert Karasek, professeur de psychologie à Boston, a développé le modèle “de la tension au travail’. Ce modèle identifie la conjoncture de trois facteurs à l’origine du burn-out :
- Les exigences : si l’individu subit une forte pression et une charge de travail intense ou le ressent comme tel.
- Le manque de soutien social : si l’individu se retrouve dans une forme de solitude sociale dans le travail.
- La latitude décisionnelle ou le contrôle : si l’individu n’a que peu d’autonomie dans l’organisation de son propre travail et de son rythme de concentration.
S’écouter au regard du modèle de Karasek
Trop peu savent réellement l’importance de ces trois facteurs pour éviter le burn-out. Ainsi, dès 2015, une étude du cabinet Technologia a montré que 8% des ouvriers sont touchés par le burn-out, contre 20% des cadres ou des indépendants. Ont-ils moins de pression ? Probablement pas. Mais les liens humains au sein du corps social d’une usine constituent un paravent idéal contre la pression.
Ainsi, en vous écoutant au regard de ce modèle, vous êtes mieux à même de vous préserver de la surchauffe émotionnelle. En effet, vous savez vous entourer et garantir votre autonomie pour répondre à vos missions.
Tout commence donc par l’écoute de soi. Savez-vous quelle est votre manière de travailler ? Savez-vous ce qui fonctionne ou pas pour vous ? Savez-vous comment gérer votre rythme biologique, votre implication au travail, indépendamment de normes extérieures (délais, conventions…) ?
Cette notion d’écoute de soi est fondamentale. Il faut s’écouter en amont du moindre signe de burn-out, puisque les facteurs de risque s’installent bien avant les signes avant-coureurs du syndrome. S’écouter, mais aussi connaître la force du besoin que l’on ressent. Est-ce qu’il s’agit d’un besoin de l’instant ou un besoin récurrent ? Dois-je mettre en place des mesures plus importantes dans mon travail, par exemple un rituel préservant mon autonomie ?
Laissez-moi illustrer avec un exemple portant sur les notions de latitude décisionnelle et de soutien social du modèle de Karasek. Durant le confinement, ceux qui travaillaient le faisaient de chez eux. Les individus sont donc passés d’un environnement en présentiel contrôlé, à un environnement offrant une grande liberté organisationnelle. Alors que les entreprises concernées par le télétravail craignaient une baisse de leur productivité, les études montrent aujourd’hui que celle-ci a d’abord fortement augmenté. Pourquoi ? Entre autres parce que le gain d’autonomie a permis à de nombreuses personnes de s’organiser de manière plus efficiente. C’est du moins le cas pour ceux ayant écouté leur rythme de concentration, et ayant pu adapter leur rythme de travail avec leurs contraintes de vie quotidienne. Puis, au bout d’un an, la productivité a globalement baissé. Le manque de lien social était devenu trop important. Enfin, de retour au bureau quelques mois plus tard, l’absentéisme double par rapport à avant la crise sanitaire. La raison ? L’une des principales est clairement le refus, plus ou moins conscient, de perdre à nouveau son autonomie. On retrouve certes le lien social, mais on ne peut pas revenir simplement au monde d’avant. Celui ou on exige le résultat et on contrôle la manière de l’atteindre.
Connaître sa valeur : l’anti-burn-out par excellence
Pour bien s’écouter, et ainsi garantir une certaine autonomie d’organisation, il est fondamental de connaître sa valeur face à son environnement.
La première chose que je fais lorsque je manage des individus, c’est de leur dire d’en faire moins. Cela peut sembler étrange et pourtant, je sais que la plupart d’entre eux se surchargent de travail inutilement. D’ailleurs, malgré cette recommandation, je les vois garder la même charge de travail et les mêmes contraintes. Pourquoi ?
Je l’explique, en grande partie, par le besoin de reconnaissance et de valeur. Dans leur esprit, s’ils ne le font pas, ou pas assez rapidement, ils ne seront pas reconnus à leur juste valeur. Voire pire, ils perdraient leur travail. Or, selon mon expérience, le pourcentage d’individus réellement licenciés par rapport à ceux ayant peur de l’être est plutôt faible…
Ainsi, la crainte de perdre la reconnaissance de son environnement - voire son travail – si fondamentale dans la notion de burn-out, entraîne chez certains l'adhésion à tout un ensemble de présupposés : le travail non-stop, le présentéisme, l’absence d’autonomie…
Les contraintes professionnelles existent évidemment, mais si certaines sont liées au besoin d’action collective, beaucoup sont aussi de simples habitudes culturelles. La plupart peuvent se négocier si l’on se positionne en partenaire de son entreprise et si l’on a confiance dans sa valeur ajoutée. La clef est donc de savoir prendre du recul sur la valeur que l'on produit. En avoir conscience et la reconnaître évite de se protéger derrière le respect religieux des règles. Connaître sa valeur, c’est se donner les moyens de défendre ses limites personnelles pour faire face à la pression et ce, sans faire preuve d’”égoïsme”.
Illustrons d’un exemple. Un de nos jeunes diplômés travaille depuis peu au sein d'une entreprise de conseil. Au fil des mois, il est parvenu à monter en compétences. Il menait, seul et parfaitement, un certain nombre de dossiers. Puis un jour, il m’appelle, paniqué, pour m’expliquer à quel point il se sentait démuni face au nouveau dossier dont il avait la charge. Je lui ai alors demandé s’il avait fait appel à des personnes plus qualifiées que lui sur le sujet. Bingo. Il n’avait tout simplement pas pensé à le faire, parce qu’il n’avait pas assez confiance en lui pour accepter de se tourner vers autrui. Il voulait se montrer excellent, et se laissait ainsi entraîner dans une spirale négative et paralysante.
Bien se connaître, c’est aussi être capable de reconnaître ce qu’on ne peut pas faire seul et donc travailler en intelligence collective. C’est en ça que le soutien social évoqué dans le modèle de Karasek prend tout son sens.
Je me connais et pourtant, le burn-out m’a eu…
Peut-il arriver que, malgré une bonne connaissance de soi, on sombre dans le burn-out ?
Un individu peut se connaître et pourtant ne pas s’écouter, engendrant ainsi les symptômes du burn-out. Cela arrive, notamment lorsque l’on n’est pas connecté avec soi. C’est le cas lorsqu’une crise, personnelle ou professionnelle, vient déstabiliser notre équilibre. En mobilisant toute notre attention sur la situation, nous finissons par perdre notre acuité à nous écouter. Nous dédions toute notre énergie à la situation que nous traversons, sans aucune notion d’autonomie. Généralement, nous tenons le temps de la crise. Ensuite, si elle a été longue, le risque de burn-out est grand puisque notre équilibre a été fragilisé.
La prise de recul reste fondamentale, or le sentiment de crise est ce qui nous en éloigne le plus. Plus une crise dure, plus il est essentiel de prendre le temps de “dé-zoomer”, donc de s'écouter, pour évaluer un éventuel déséquilibre.
Les moyens de le faire peuvent être surprenants. J’ai récemment rencontré une personne dont le métier est de superviser la gestion opérationnelle des irrégularités dans un aéroport : vols retardés, transferts manqués, etc. Ce travail engendre, quotidiennement, de nombreuses mini-crises ainsi qu’une grande pression de la part des clients mécontents et des employés nécessitant une solution. Pour gérer ce stress permanent, et prendre le recul nécessaire, il se rend plusieurs fois par jour aux toilettes. Le seul endroit où il sait être protégé des sollicitations extérieures. Durant une dizaine de minutes, il se retrouve seul avec lui-même et se re-concentre sur l’essentiel avant de retourner au combat. Aussi cocasse que cela puisse paraitre, c’est cette connexion avec lui-même qui lui permet de tenir.
À vous de vous protéger
Loin de moi l’idée de dédouaner les organisations de leur responsabilité face au burn-out, et encore moins d’ignorer le management toxique de certains cadres. Mais l’objectif ici est de vous donner les clés pour prendre des mesures protectrices dépendantes de vous. Retenez-en trois : connaître sa valeur, gagner la confiance suffisante pour être capable d’agir en partenaire de son environnement, et co-organiser avec lui les zones d’autonomie nécessaires à son équilibre.
Je ne sais si le meilleur anti-burn-out est le Self-Leadership, mais il a permis à de nombreuses personnes de s’en extraire. Il permet d’avoir une meilleure confiance en soi. C’est tout l’enjeu du programme de Self-Leadership Lab, un voyage personnel dont le premier but est la découverte de soi, de ses atouts et de ses aspirations.