Le syndrome de l’imposteur au travail : le comprendre et le surmonter
Jean-Yves Mercier

Le syndrome de l’imposteur au travail : le comprendre et le surmonter

Jean-Yves Mercier

Face à la nouveauté, nous sommes beaucoup à vivre le “syndrome de l’imposteur”. Celui-ci nous amène à douter de nos qualités et compétences professionnelles. D’où vient-il exactement ? Comment le surmonter et s’en libérer ?

“Je ne me sens pas légitime pour ce poste”. À 36 ans, Claire vient d’être nommée directrice générale des ressources humaines dans une banque suisse. Un poste qu’elle visait depuis quelques années et pour lequel elle avait toutes les compétences requises, aussi bien professionnelles que personnelles : de solides expériences dans le domaine des ressources humaines et de l’univers bancaire, une capacité d’écoute et de communication saluée par ses anciens collaborateurs. Du point de vue de son recruteur, Claire avait le profil parfait. Mais dès sa prise de poste, la jeune DRH a rapidement éprouvé un certain malaise. “J’ai l’impression de ne pas être à la hauteur. Je ne me sens pas légitime pour ce poste”, explique-t-elle.

La situation de Claire n’est pas unique. Chacun d’entre nous a sûrement vécu - ou est en train de le vivre - ce ressenti que l’on appelle le “syndrome” de l'imposteur, aussi nommé “complexe d’imposture”. Mis en lumière en 1978 par deux psychologues américaines, Pauline Rose Clance et Suzanne Ament Imes, le syndrome de l’imposteur est défini comme étant “la sensation désagréable de douter en permanence de ses capacités, de ne pas se sentir légitime dans son statut actuel, et de ne pas réussir à s’approprier ses succès”. Bref, nous ne nous sentons pas à la hauteur.

Le syndrome de l’imposteur face à un nouvel environnement

Cette émotion est tout à fait normale ; face à un nouvel environnement, nous nous posons forcément des questions. Même dans notre vie amoureuse, lorsque nous rencontrons quelqu’un : “Suis-je assez bien habillé.e ?”, “Il ne répond pas à mon message. Ai-je fait quelque chose de mal ?”. Etc. Mais ce qui l’est moins, c’est quand cette émotion perdure dans le temps et qu’elle impacte négativement notre énergie et notre confiance à nous réaliser, nous épanouir.

Certains se réfugient dans une bulle en se dévalorisant sans cesse, d’autres plongent dans un travail acharné pour se prouver le mérite de leur nouveau poste ou de leur nouvelle promotion. Ce qui est le cas de Claire qui se surinvestit et qui, inconsciemment ou non, veut montrer à son recruteur qu’elle est bien la bonne personne pour ce poste. “The Right Person in the Right Place” comme disent les Anglo-saxons.

Mais alors comment surmonter ce “syndrome” de l’imposteur ? Là n’est pas juste une question de confiance en soi car même les personnes les plus confiantes et avec plus de 40 ans d’expériences professionnelles peuvent ressentir cette émotion. 

Le syndrome de l’imposteur : distinguer les attentes réelles de celles que l’on s’imagine

Lorsque l'on intègre une entreprise ou lorsque l’on obtient une promotion, nous faisons face à un certain nombre d’attentes. Celles-ci, couchées sur la fiche de poste ou exprimées généralement lors de l’entretien, cadrent nos responsabilités, nos missions et nos objectifs. Nous savons que nous avons quelque chose à réaliser.

Mais là où le bât blesse, c’est lorsque nous agissons comme si toutes nos tâches et objectifs devaient être réalisés dès les premiers jours. Nous souhaitons, tout comme Claire, prouver rapidement que nous sommes la bonne pièce du puzzle. Cela pouvait être le cas dans les années 1920 dans les entreprises à la Henry Ford où chaque employé avait une fonction bien précise. Il n’en est rien aujourd’hui, sauf pour quelques sociétés qui confondent encore salariés et machines… Il nous faut d’abord nous connecter avec notre nouvel environnement. Ce mythe des 100 jours, durant lesquels nous devons faire nos preuves et tout changer, est dépassé. Exception faite dans le cadre d’une gestion de crise ; une personne spécialement embauchée pour sauver le navire doit évidemment agir et obtenir des résultats rapidement.

Face aux attentes de l’entreprise et celles faussement imaginées, nous nous mettons ainsi sous pression. Et cette exigence que nous avons envers nous-même est aussi et souvent exacerbée par le fait que nous idéalisons notre job, nous le considérons comme un aboutissement, comme LE travail de notre vie. Or, nous ne savons pas de quoi sera fait demain. Notre monde est complexe et incertain. Ce poste pour lequel nous nous investissons ne peut être qu’une étape de vie ou bien un tremplin vers un autre. Lors d’une rencontre amoureuse, si nous nous posons la question dès le premier rendez-vous “Est-ce l’homme ou la femme de ma vie ?”, nous serions mal partis. Pour notre travail, c’est la même chose. 

Comprendre son environnement et se comprendre 

Pour se libérer du syndrome de l’imposteur, la clé sera de prendre du recul, d’avancer pas à pas, et surtout de comprendre son environnement : le sentir, l'identifier pour ensuite faire le lien entre ses compétences et ce dernier. Cela passe par une phase dite “réactive” (je comprends mon environnement) et une phase dite “proactive” (j’ai senti mon environnement, je vais ainsi pouvoir commencer à agir).

Se comprendre sera aussi essentiel dans ce processus (et dans bien d’autres). L’enjeu n’est pas de se demander “Quel rôle dois-je prendre pour satisfaire ?” mais plutôt ”Quel rôle ai-je l’envie et la capacité de prendre pour apporter quelque chose et évoluer ?” Si nous nous comprenons réellement et si nous nous acceptons tel que nous sommes, nous serons ainsi capables de surmonter ce syndrome qui nous affecte tant. Il faut ici travailler son self-leadership pour ainsi prendre conscience de son rôle, de ses compétences et de ses valeurs. 

Et si ce sentiment persiste malgré tout, il faudra alors se poser la question : “Suis-je dans le bon environnement ?”, “Suis-je dans l’environnement qui me convient vraiment ?”. 

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